lundi 23 avril 2018

"Nouvel antisémitisme" : la supercherie d’un appel.


                       Latifa Ibn Ziaten et Samuel Sandler

La parution d’un appel contre l’antisémitisme est à priori une bonne nouvelle.
Nous ne serons jamais de trop pour lutter contre l’antisémitisme et tous les racismes.

En effet, nous ne sommes pas de ceux qui, au sein même de la gauche, tergiversent ou minimisent la gravité des actes antisémites ou qui cherchent à les excuser au nom de la situation au Moyen-Orient.
L'horreur des actes et crimes antisémites nous révolte et nourrit notre combat.

Nous rejetons tous les antisémitismes, anciens ou prétendument nouveaux, quelle que soit leur justification, car ils représentent tous la continuité de la persécution des Juifs. 
Nous prenons au sérieux la gravité de la situation ici et dans toute l'Europe au moment ou l'antisémitisme fait un retour fracassant dans le sillage de la droite radicale antisémite au pouvoir en Pologne, en Hongrie et en Autriche, et  qui menace en Allemagne
Nous sommes sensibles à la peine et à l'inquiétude de ceux et celles qui subissent les manifestations de l'antisémitisme et nous mobilisons pour les soutenir, comme récemment lors de la marche en mémoire de Mme Knoll


C'est au nom même de cet engagement résolu contre tous les actes et discours antisémites, quelle que soit leur origine ou leur prétexte, que nous condamnons le contenu de l'appel Val-Sarkozy-Wauquiez-Ferry-Valls.  

La présence d’islamophobes et de racistes parmi les signataires semblait indiquer d’emblée qu’il s’agissait d’une initiative douteuse. 
Le texte publié dans Le Parisien par Philippe Val (reproduit intégralement ci-dessous) a une toute autre fonction que son objet proclamé, comme en atteste son argumentation particulièrement sensationnaliste et perverse.

Il s’agit surtout pour ses promoteurs de stigmatiser et désigner la population musulmane comme principale, voire seule coupable de l’antisémitisme dans ce pays et au passage de dénoncer la gauche, les médias et les « élites ».
Cela se fait  par un message véritablement « populiste » qui triture le langage et lance des accusations vagues et dangereuses.
Le recours à la notion d’« épuration ethnique » dont seraient victimes les Juifs de ce pays de la part des musulmans, donne la mesure d’une volonté d’opposer des populations par la référence à de situations dramatiques de guerre et de persécutions.
On notera que les musulmans Rohingya sont actuellement victimes d’une réelle épuration ethnique de la part de l’armée et du pouvoir de Birmanie. Des centaines de milliers de personnes ont du fuir leur villages et leurs maisons sous la menace.   

La phrase introductive du texte donne le ton : « Pourtant, la dénonciation de l’islamophobie - qui n’est pas le racisme anti-Arabe à combattre - dissimule les chiffres du ministère de l’Intérieur : les Français juifs ont 25 fois plus de risques d’être agressés que leurs concitoyens musulmans. »  

Il s’agit donc à nouveau de nier l’existence de l’islamophobie dans la société française en manipulant une concurrence des victimes d’actes racistes et en les opposant, alors qu'il faut au contraire tisser des liens entre elles. 
Plusieurs des signataires de l’appel mènent depuis des années un combat acharné contre la notion d’islamophobie et ont ainsi trouvé le moyen de poursuivre cette croisade.
Puis il est question d’un prétendu silence des médias à propos de l’antisémitisme. Ce silence est attribué à des « élites », dont ne feraient donc pas partie les signataires ? Ces élites nieraient le danger islamiste ou l’excuseraient. 
On reconnaît la patte de Manuel Valls qui, déclarait après les attentats de janvier 2015 « « Expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser » avant de devoir retirer ce propos provocateur.

A qui s’adresse l’accusation suivante, contresignée notamment par trois anciens premiers ministres ( Raffarin, Valls, Cazeneuve) et un ancien président de la République, Sarkozy ?   «  …Parce que la bassesse électorale calcule que le vote musulman est dix fois supérieur au vote juif… ». Qui est ainsi désigné et accusé ?
 
On notera que concernant Sarkozy, il a pour sa part toujours été cherché les voix  du FN ,tenant du « vieil antisémitisme »  . Il était conseillé en cela par son mentor Patrick Buisson, adepte des thèses de Charles Maurras, dont le centenaire de la naissance rappelle qu’il fut le grand porteur de l’antisémitisme dans la société française.  

La preuve la plus évidente de la perversité des intentions de cet « appel » est son thème de conclusion qui demande « que les versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants soient frappés de caducité par les autorités théologiques, comme le furent les incohérences de la Bible et l’antisémitisme catholique aboli par [le concile] Vatican II, afin qu’aucun croyant ne puisse s’appuyer sur un texte sacré pour commettre un crime »
Ainsi donc, il suffirait que des «autorités théologiques » musulmanes condamnent l’antisémitisme et triturent le Coran. Mais qui peut penser une seconde que cela provoquerait le moindre effet sur des personnes « radicalisées » ?  Celles-ci rejettent au contraire les « autorités théologiques »  et toute interprétation qui ne justifie pas leurs actes .
Au passage les auteurs mentent effrontément en prétendant que les "incohérences de la Bible"  ont été "abolies". De quelles "incohérences" s'agit-il?  Qui a « aboli » quoi, et comment ? On se demande comment le grand rabbin Korsia peut cautionner de tels propos mensongers.

Au total, il s’agit donc d’une manipulation politique qui n’a que l'islamophobie à proposer comme solution en matière de lutte contre l'antisémitisme. Or il y a urgence en la matière, non seulement en France mais dans toute l'Europe.

C'est dans ce contexte que nous interpellons les pouvoirs publics: où sont donc les plans ambitieux, annoncés autrefois par les différents gouvernements dans ce domaine ? Quels nouveaux outils ont été mis à la disposition de celles et ceux qui souhaitent combattre le fléau de l'antisémitisme ? Où est l’effort d’éducation et de solidarité nécessaire ?
 
Depuis l'unique annulation d'un meeting de Dieudonné à Nantes en janvier 2014, accompagné par la promesse de Manuel Valls de faire fermer les principaux sites antisémites français, de réguler enfin l'expression de la haine sur les réseaux sociaux, qu'est ce qui a été fait concrètement ?  Le négationnisme en ligne se porte toujours aussi bien.


L’assassinat de Mme Mireille Knoll est ainsi survenu trois jours après la relaxe judiciaire d'Alain Soral, accusé d’incitation à la haine raciale pour avoir diffusé une nouvelle fois un montage antisémite.
 Les juges l'ont acquitté au prétexte que  "Le montage en cause, aussi contestable soit-il, ne constitue ainsi pas une provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, contenant un appel ou une exhortation, même implicite, rejaillissant sur la totalité d'une communauté définie par l'appartenance à la religion juive". 
Les magistrats ont utilisé la jurisprudence de la Cour de cassation, qui estime depuis juin 2017 qu'une "incitation manifeste" ne suffit pas à caractériser le délit et qu'il faut désormais "pour entrer en voie de condamnation" que les propos relèvent d'un "appel" ou d'une "exhortation". 
Ainsi il faudrait maintenant un appel direct à la violence raciste pour que la justice agisse.
Devant l’adhésion que suscitent Dieudonné et Soral dans une partie de la jeunesse, comment ne pas s’interroger sur le rôle qu’ils peuvent jouer dans la radicalisation ultra-rapide de beaucoup de jeunes, qui épousent les thèses et la cause des intégristes de Daech en quelques mois, en quelques semaines ? 
Pour qu’une graine pousse à vitesse accélérée, il lui faut un terreau fertile; force est de constater que la culture pathologiquement antisémite, propagée par l’extrême-droite française depuis des années, constitue une part importante de ce terreau fatal. L'appel ne fait aucune référence à ces grands diffuseurs d'un antisémitisme violent.
L’appel de Philippe Val et de ses soutiens représente par son orientation de division et de haine, un mauvais coup porté au combat contre l’antisémitisme.  


Nous sommes plus que jamais déterminés à combattre tous les antisémites et tous les racistes, quelles que soient leurs justifications et leurs obédiences. Il n'y a aucune excuse ou justification dans ce domaine, pas plus que pour tout autre acte raciste.
 Nous rejetons également toute minimisation ou banalisation de la gravité des actes et propos antisémites. Les Juifs de France, qui représentent moins de 1 % de la population, sont, selon les statistiques officielles, la cible d’un tiers des actes haineux recensés dans le pays.

Notre soutien va vers toutes les initiatives de  terrain qui veulent construire une réelle solidarité contre l'antisémitisme et tous les racismes. Il en est par exemple ainsi du combat commun de Latifa Ibn Ziaten et Samuel Sandler, parents des victimes de Merah

MEMORIAL 98


   
Nous rappelons ici quelques récentes turpitudes des responsables politiques signataires, voire porte-parole de l’appel:

Laurent Wauquiez: une de ses premières mesures en tant que président de la région ARA a été de diminuer la subvention attribuée au Mémorial des enfants juifs d'Izieu. Face au scandale, il a du ensuite revenir en arrière; voir ici http://info-antiraciste.blogspot.fr/2015/04/enfants-juifs-dizieu-les-traces-de-la.html
Wauquiez veut mettre en cause le droit du sol, reprenant ainsi les thèses identitaires du Front national, intégrées dans la droite par l'intermédiaire du Club de l'Horloge. 

Manuel Valls, Elisabeth Badinter islamophobe revendiquée, Gilles Clavreul délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme (Dilcra) au bilan catastrophique et leurs proches du « Printemps républicain » également soutiens de la manipulation de Sarkozy sur le burkini voir ici http://info-antiraciste.blogspot.fr/2016/01/vallsa-lattaque-contre-la-laicite.html

Sarkozy, dont l’activité politique a toujours reposé sur la récupération des thèmes du FN voir ici http://info-antiraciste.blogspot.fr/2016/08/sarkozy-est-lordonnateur-direct-des.html et ici http://info-antiraciste.blogspot.fr/2015/12/sarkozy-legitime-nouveau-le-front.html

Luc Ferry, soutien affiché de Poutine et Assad, tenant de la thèse négationniste d’un « génocide vendéen » voir ici http://info-antiraciste.blogspot.fr/2015/05/luc-ferry-evoque-le-genocide-vendeen-et.html

Memorial 98 


 Le texte de l’Appel «Cette terreur se répand »

« L’antisémitisme n’est pas l’affaire des Juifs, c’est l’affaire de tous. Les Français, dont on a mesuré la maturité démocratique après chaque attentat islamiste, vivent un paradoxe tragique. Leur pays est devenu le théâtre d’un antisémitisme meurtrier. Cette terreur se répand, provoquant à la fois la condamnation populaire et un silence médiatique que la récente marche blanche a contribué à rompre.
Lorsqu’un Premier ministre à la tribune de l’Assemblée nationale déclare, sous les applaudissements de tout le pays, que la France sans les Juifs, ce n’est plus la France, il ne s’agit pas d’une belle phrase consolatrice mais d’un avertissement solennel : notre histoire européenne, et singulièrement française, pour des raisons géographiques, religieuses, philosophiques, juridiques, est profondément liée à des cultures diverses parmi lesquelles la pensée juive est déterminante. Dans notre histoire récente, onze Juifs viennent d’être assassinés - et certains torturés - parce que Juifs, par des islamistes radicaux.

« Une épuration ethnique à bas bruit »

Pourtant, la dénonciation de l’islamophobie - qui n’est pas le racisme anti-Arabe à combattre - dissimule les chiffres du ministère de l’Intérieur : les Français juifs ont 25 fois plus de risques d’être agressés que leurs concitoyens musulmans. 10 % des citoyens juifs d’Ile-de-France - c’est-à-dire environ 50 000 personnes - ont récemment été contraints de déménager parce qu’ils n’étaient plus en sécurité dans certaines cités et parce que leurs enfants ne pouvaient plus fréquenter l’école de la République. Il s’agit d’une épuration ethnique à bas bruit au pays d’Émile Zola et de Clemenceau.
Pourquoi ce silence ? Parce que la radicalisation islamiste - et l’antisémitisme qu’il véhicule - est considérée exclusivement par une partie des élites françaises comme l’expression d’une révolte sociale, alors que le même phénomène s’observe dans des sociétés aussi différentes que le Danemark, l’Afghanistan, le Mali ou l’Allemagne… Parce qu’au vieil antisémitisme de l’extrême droite, s’ajoute l’antisémitisme d’une partie de la gauche radicale qui a trouvé dans l’antisionisme l’alibi pour transformer les bourreaux des Juifs en victimes de la société. Parce que la bassesse électorale calcule que le vote musulman est dix fois supérieur au vote juif.

« Nous attendons de l’islam de France qu’il ouvre la voie »

Or à la marche blanche pour Mireille Knoll, il y avait des imams conscients que l’antisémitisme musulman est la plus grande menace qui pèse sur l’islam du XXIème siècle et sur le monde de paix et de liberté dans lequel ils ont choisi de vivre. Ils sont, pour la plupart, sous protection policière, ce qui en dit long sur la terreur que font régner les islamistes sur les musulmans de France.
En conséquence, nous demandons que les versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants soient frappés d’obsolescence par les autorités théologiques, comme le furent les incohérences de la Bible et l’antisémite catholique aboli par Vatican II, afin qu’aucun croyant ne puisse s’appuyer sur un texte sacré pour commettre un crime.
Nous attendons de l’islam de France qu’il ouvre la voie. Nous demandons que la lutte contre cette faillite démocratique qu’est l’antisémitisme devienne cause nationale avant qu’il ne soit trop tard. Avant que la France ne soit plus la France. »





mercredi 18 avril 2018

Révolte du ghetto de Varsovie: le nazisme défié.



Cette photo célèbre provient du rapport adressé par le général SS Stroop à Himmler  après l'écrasement de la révolte.  Elle a donc été prise dans le cadre de la propagande nazie.
Elle porte la mention " forcés hors de leurs caves" 



Le 19 avril, date du début du soulèvement du ghetto de Varsovie, symbolise l'extermination des Juifs d'Europe par les nazis.

Un soulèvement préparé.
 
La révolte d'avril 1943 se produit dans les conditions terribles d'un ghetto déjà en partie vidé de ses habitants. En effet, depuis le 23  juillet 1942, jour après jour, 5.000 à 6.000 personnes sont emmenées par les nazis, du ghetto vers la "Umschlagplatz"  ou "place du transbordement" puis de là transférées vers le camp d'extermination de Treblinka. 

Cette déportation s’inscrit dans le cadre de la plus vaste "Aktion Reinhardt", organisée par les nazis en Pologne occupée; celle-ci inclut la construction des camps d'extermination de Belzec (mars 1942), Sobibor (mai 1942) et Treblinka (juillet 1942). 
Ce dernier camp joue un rôle particulier dans l'extermination des Juifs de Varsovie, 280 000 Juifs déportés de la capitale polonaise y seront assassinés. 
L'Aktion de Varsovie prend fin temporairement le 21 septembre 1942, le jour de la plus importante fête juive, Yom Kippour. Les nazis, dans leur rage antisémite, utilisaient souvent les dates des fêtes religieuses juives afin de procéder à des persécutions particulières ou marquer leur "connaissance" du judaïsme.

Après cette grande déportation, le ghetto de Varsovie est réduit à  un camp de travail où 36 000 Juifs survivent officiellement et où 20 à 25 000 clandestins se cachent. Son sursis tient d’une part à la pénurie de main-d’œuvre gratuite dont l'administration nazie veut disposer et d'autre part à la nécessité d’une pause afin de recenser et d’expédier vers le Reich les biens volés dans le ghetto.


Les débuts de la résistance dans le ghetto

Quelques jours après le début de la déportation de juillet, la résistance juive dans le ghetto s’était unifiée dans un « Bloc antifasciste » et doté d’une branche armée, l’Organisation juive de combat (OJC), fondée le 28 juillet 1942. 
Les premières opérations de l'OJC sont dirigées contre les responsables de la "police juive" et autres collaborateurs.
En janvier 1943, une Aktion visant à liquider le reste du Ghetto est interrompue par les nazis eux-mêmes au bout de 4 jours, face à la résistance et au fait que la population se cache dans un réseau souterrain creusé durant des mois.

Himmler ordonne alors la destruction du ghetto et de ses habitants. Au même moment le ghetto de Cracovie est liquidé en Mars 1943.
http://www.memorial98.org/2017/03/le-ghetto-de-cracovie-mars-1943.html
                                    Dans le ghetto, pendant la révolte

Le 19 avril 1943, correspondant à la date de la fête juive de Pessah,  les unités SS chargées de liquider le ghetto sont repoussées par les combattants. Ceux-ci ne disposent que de quelques revolvers et grenades. Quand le millier de soldats allemands pénètrent en force dans le ghetto, les résistants les attendent  barricadés dans leurs bunkers et leurs caves. Au nombre de 1000 environ, ils sont regroupés principalement dans l'Organisation des Combattants Juifs, (OJC) commandée par le jeune Mordehaï Anilewicz.

Le commandant allemand est relevé de ses fonctions, le général SS Jürgen Stroop lui succède. Il est lui-même est pris de court par la rébellion des "sous-hommes" ainsi que les nazis qualifiaient les Juifs. Dès lors, les troupes SS vont incendier systématiquement les immeubles et propulser du gaz dans les souterrains afin d'en déloger les résistants. 
Ces derniers vont tenir pendant un mois, malgré leur très faible niveau d'armement et de nourriture. Plus de 2 000 SS, soutenus par de l‘artillerie et des blindés, incendient le ghetto, maison après maison. Les Juifs sont asphyxiés, carbonisés, enterrés vivants dans les abris où ils sont retranchés. 
6.000 Juifs présents dans le ghetto trouvent la mort dans les combats ou se suicident. 7.000 sont fusillés sur place. Les autres sont déportés. Une poignée de miraculés échappe à la mort en s'enfuyant par les égouts.  

Le 16 mai 1943, Stroop fait dynamiter la grande synagogue du ghetto. Il câble à Himmler : « Il n’existe plus de quartier juif à Varsovie. ». 

La rébellion se termine à la mi-mai.  Mordehaï Anilewicz, se suicide le 8 mai avec une partie de la direction de l'OJC, à l'âge de 24 ans.  Le 23 avril 1943, il avait écrit dans une dernière lettre :
«Les Allemands ont fui par deux fois du ghetto. L'une de nos compagnies a résisté 40 minutes et une autre s'est battue pendant plus de six heures... Nos pertes en vies humaines sont faibles et ceci est également une réussite...
Grâce à notre radio, nous avons entendu une merveilleuse émission relatant notre lutte. Le fait que l'on parle de nous hors du ghetto nous donne du courage.
Soyez en paix, mes amis de l'extérieur ! Peut-être serons-nous témoins d'un miracle et nous reverrons-nous un jour. J'en doute ! J'en doute fort !
Le rêve de ma vie s'est réalisé. L'auto-défense du ghetto est une réalité. La résistance juive armée et la vengeance se matérialisent. Je suis témoin du merveilleux combat des héros juifs...»

Quelques jours plus tard, le 12 mai, Szmuel Zygielbojm, représentant du mouvement ouvrier juif Bund dans le gouvernement polonais en exil à Londres, se suicide dans cette ville.
Il proteste ainsi contre l’inaction des gouvernements alliés, dûment avertis de la situation en Europe de l'Est et notamment en Pologne. Lui-même avait alerté publiquement sur l'extermination en cours.
Il laissa une lettre dont voici des extraits :
« Derrière les murs du ghetto se déroule à présent le dernier acte d’une tragédie sans précédent dans l’Histoire. La responsabilité du forfait consistant à exterminer la totalité de la population juive de Pologne retombe au premier chef sur les exécutants; mais, indirectement, elle rejaillit également sur l’humanité tout entière. Les nations et les gouvernements alliés n’ont entrepris jusqu’ici aucune action concrète pour arrêter le massacre. 
En acceptant d’assister passivement à l’extermination de millions d’êtres humains sans défense - les enfants, les femmes et les hommes martyrisés - ces pays sont devenus les complices des criminels.[...]. Mes camarades du ghetto de Varsovie ont succombé, l’arme au poing, dans un dernier élan héroïque. Il ne m’a pas été donné de mourir comme eux, ni avec eux. Mais ma vie leur appartient et j’appartiens à leur tombe commune. Par ma mort, je désire exprimer ma protestation la plus profonde contre la passivité avec laquelle le monde observe et permet l’extermination du peuple juif.

Je suis conscient de la valeur infime d’une vie humaine, surtout au moment présent. Mais comme je n’ai pas réussi à le réaliser de mon vivant, peut-être ma mort pourra-t-elle contribuer à arracher à l’indifférence ceux qui peuvent et doivent agir pour sauver de l’extermination — ne fût-ce qu’en ce moment ultime — cette poignée de juifs polonais qui survivent encore. Ma vie appartient au peuple juif de Pologne et c’est pourquoi je lui en fais don… »

(Londres, mai 1943)

Nos pensées vont vers les victimes de cette extermination et vers ceux qui au cœur des ténèbres, s’opposèrent au nazisme par leurs actes héroïques. 

L’anniversaire de la révolte du ghetto renforce notre détermination à combattre tous les racismes et tous les négationnismes.

MEMORIAL 98

L’année 2018 a marqué le 75e anniversaire de la résistance et de la révolte du ghetto et le 73e anniversaire de la libération des camps nazis.

En Pologne même, l’antisémitisme et le racisme sont fortement stimulés par le pouvoir de droite radicale du PiS. Celui-ci a franchi une nouvelle étape dans sa tentative visant à réécrire l’histoire du pays. 
Il a promulgué en février 2018 une loi sur la "mémoire". Sous prétexte de mise en cause du terme "camp de la mort polonais", le texte menace de prison quiconque évoque la collaboration de Polonais avec le nazisme, voire le massacre des Juifs de Jedwabne, perpétré par leurs voisins polonais. Les protestations se sont multipliées dans le monde entier mais à ce jour le pouvoir maintient l’arme révisionniste de cette loi. Ces dernières années, les menaces et intimidations contre les historiens de la Shoah ont été nombreuses. 

Cette escalade nationaliste est à l’origine d’une marche fasciste qui a lieu à Varsovie le 11 novembre 2017, dont le gouvernement s'est félicité.

A l’occasion de la fête de l’indépendance polonaise, des dizaines de milliers de personnes ont participé à une marche organisée par une structure nommée « Camp radical national » (ONR en polonais) Celle-ci se présente comme l’héritière d’une organisation fasciste du même nom des années (19)30. Cette dernière voulait alors « débarrasser la Pologne des ses Juifs », ouvrant ainsi la voie à la violence antisémite qui se déchaîna durant et après la guerre
Ils soutiennent que «l’arrivée de réfugiés syriens en Europe fait partie d’une conspiration menée par des financiers juifs, qui travaillent avec les communistes de l’Union européenne pour amener des musulmans en Europe et, avec, la charia et l’homosexualité."

Les fascistes polonais s’appuyaient sur les succès de leurs congénères.  En Allemagne avec la poussée électorale du parti AfD, anti-migrants, mais aussi largement imprégné d'antisémitisme et de négationnisme et en Autriche où le parti d'extrême-droite FpO a remporté une double victoire. Il s'agit de son score de 26% des suffrages, mais aussi de la reprise de ses thèmes racistes par le parti de droite conservateur avec lequel il va sans doute gouverner.
En Hongrie, en Italie, aux USA, l’extrême-droite nationaliste également à l’offensive, associe dans sa haine les Musulmans et les Juifs. 
 
19 avril 2019
 
 La commémoration de cette année  sera marquée par le souvenir de Simcha Rotem, dernier combattant du ghetto de Varsovie encore en vie, décédé le 22 décembre 2018 à l'âge de 94 ans. Il a été membre de l'organisation juive de combat ( OJC) qui a organisé la lutte contre les nazis.

                                      Simha Rotem ( avec la casquette)

Un autre souvenir tragique d'actualité est celui des onze personnes massacrées dans une synagogue de Pittsburgh le 27 octobre dernier par un héritier du nazisme 

Memorial 98






MEMORIAL 98