mardi 29 décembre 2015

Négationnisme au Japon: le long combat des " Femmes de réconfort":


Statue symbole des "femmes de réconfort" devant l'ambassade du Japon à Séoul. Depuis 1992, les dernières survivantes de ces abus sexuels se réunissent à cet endroit, chaque mercredi, avec le soutien d'associations.


Mise à jour du 1er février 2019: Hommage éternel à Kim Bok-dong, combattante de la justice


Hommage à la mémoire de Kim Bok-dong, ancienne esclave sexuelle de l'armée japonaise et combattante de la mémoire de ce crime, décédée le 28 janvier.
Ses obsèques ont donné lieu à une mobilisation importante, le cortège funéraire est passé devant l'ambassade du Japon afin de protester contre le refus des autorités de ce pays de présenter des excuses circonstanciées, de reconnaître l'esclavage sexuel qui a été imposé à ces femmes et de verser de réelles réparations.
Kim a souvent participé à ces manifestations et n'a jamais cessé de s'engager pour la justice à l'égard des victimes, dont elle faisait partie. Elle a subi une véritable calvaire à partir de 14 ans quand elle fut "réquisitionnée" au domicile de ses parents. Elle a également souffert cruellement après la guerre de ne pas pouvoir raconter ce qu'elle avait subi.

Nous avions déjà mentionné son nom car elle symbolisait la lutte des anciennes " femmes de réconfort" pour la justice et la dignité ( voir ci-dessous) . 
L'exigence demeure: le gouvernement japonais doit reconnaître la gravité du viol et de l'esclavage de ces femmes, s'en excuser  et verser des indemnités adéquates, comme le réclame l'ONU

 

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Japon et Corée:  un accord limité et ambigu à propos des " Femmes de réconfort".

Rappelons d'abord que ce terme constitue un euphémisme employé au Japon à propos des victimes du système d'esclavage sexuel de masse organisé à travers l'Asie par  l'armée et la marine impériales japonaises, durant la Seconde Guerre mondiale. L'emploi de ce terme est fortement contesté par les associations de victimes coréennes et féminines qui exigent du gouvernement japonais des excuses formelles et des réparations, et préfèrent le terme clair d'esclavage sexuel. Le nombre de femmes victimes de ces viols répétés et de l'enfermement dans des maisons closes est estimé à  à  plus de  200 000 au total, en comptant les Coréennes qui fournirent le contingent forcé le plus important, les Chinoises, les Japonaises, les Philippines, les Taïwanaises, les Birmanes, les Indonésiennes, les Néerlandaises et les Australiennes.
On nous annonce donc un accord comprenant des excuses officielles du Japon et une indemnisation pour les 46 femmes coréennes survivantes. Mais ces survivantes ne demandent pas forcément de l’argent, elles veulent surtout des excuses claires et nettes du gouvernement japonais, qu'elles n'ont toujours pas reçu.
On pourrait penser que c’est aujourd’hui le cas. Le problème c’est que par le passé, il y a déjà eu des excuses japonaises, toujours plus ou moins floues, elles étaient ensuite affaiblies par les déclarations de politiciens japonais. Ceux-ci remettent en question le caractère forcé de ces viols ou même l’existence d’esclaves sexuelles : c’est ce qu’avait dit par le passé celui qui est aujourd’hui le Premier ministre du Japon et signataire de l'accord, Shinzo Abe. 
                                         manifestation de soutien aux "femmes de réconfort" à Séoul en juillet 2015

D'ailleurs l’argent que vont recevoir ces femmes ne leur sera pas versé directement par l’État japonais mais via une fondation que Séoul va créer. De l’argent versé directement constituerait une « réparation » et donc une reconnaissance officielle. Or, le Japon a encore insisté aujourd’hui : il ne s’agit pas d’une « réparation » mais d’une « aide ». 
 Kim Bok-dong, 87 ans et ex-«femme de réconfort», attend des excuses officielles du Japon


Au total cet accord à caractère diplomatique ne constitue pas une reconnaissance franche et définitive de ce qui a constitué une des facettes du fascisme japonais. On notera que l'accord est signée par une présidente sud-coréenne, Park Geun-Hye , qui cherche à récrire les livres scolaires d'histoire afin de glorifier le régime dictatorial de son père. De nombreuses mobilisations ont lieu récemment à ce sujet en Corée du Sud. De l'autre côté le premier ministre japonais Abe est connu pour sa proximité avec les milieux négationnistes ,qui dans son pays nient les crimes de guerre commis à l'encontre des populations de la région. Il met en cause  la repentance. Il a d'ailleurs déclaré  plusieurs fois que les femmes contraintes à se prostituer pour l'armée impériale au cours de la seconde guerre mondiale "n'avaient pas été victimes de coercition" comme nous l'avions relevé dès 2007.
Le combat héroïque des survivantes et de ceux qui  se mobilisent à leurs côtés se poursuit afin d'obtenir une reconnaissance pleine et complète et une réparation des crimes commis à leur encontre. Nous leur rendons hommage et leur apportons notre soutien, contre l'impunité et le négationnisme.

MEMORIAL 98 

Mise à jour spéciale du 27 décembre 2017 ( voir aussi les autres mises à jour )

                                 Protestation en solidarité avec les femmes de réconfort

 

C’est une victoire de la mobilisation des femmes et associations de Corée. Le gouvernement revient sur l’accord honteux conclu avec le Japon, il y a deux ans jour pour jour. Il a pointé le 27 décembre les lacunes de l'accord conclu en 2015 avec Tokyo sur les "femmes de réconfort", les esclaves sexuelles de l'armée impériale nippone.

En décembre 2015, la Corée du Sud et le Japon avaient conclu un accord "définitif et irréversible" aux termes duquel le Japon offrait ses "excuses sincères" et versait 7,5 millions d'euros de dédommagements à une fondation afin d'aider les "femmes de réconfort" sud-coréennes toujours en vie (voir ci-dessous). 
Mais cet accord, conclu par le gouvernement conservateur de l'ex-présidente Park Geun-Hye depuis destituée suite à d’importantes manifestations, avait été critiqué par l'opinion sud-coréenne.  L'actuel président de centre-gauche Moon Jae-In s'était engagé lors de sa campagne électorale  à le réévaluer. 
L'équipe spéciale chargée de l'étudier a conclu mercredi que l'accord avait été précipité. 
"L'accord a été finalisé (...) sans prendre suffisamment en compte l'opinion des victimes dans le processus de négociations", peut-on lire dans le rapport de cette équipe. 
La ministre sud-coréenne des Affaires étrangères, Kang Kyung-wha, a présenté ses excuses au sujet de cet accord, le jugeant "blessant" pour les victimes car  il ne "reflétait pas" leur opinion (voir ci-dessous sur le rejet de cet accord)
La ministre a ajouté que Séoul "prendrait en compte les éventuelles conséquences sur les relations avec le Japon en déterminant avec prudence sa position", mais elle n'a pas dit que son pays allait sortir de cet accord. 
Le Japon a exhorté la Corée du Sud à respecter l'accord de 2015. 
"La position japonaise demeure inchangée, et nous demandons que le gouvernement sud-coréen respecte l'accord", a déclaré à l'AFP le ministère japonais des Affaires étrangères. 
Ce négationnisme maintenu des autorités japonaises  sur les crimes sexuels de l'armée se traduit également dans la difficulté des femmes japonaises à faire reconnaître des viols à leur encontre. L'affaire de la journaliste Shiori Ito est révélatrice: elle se bat pour la reconnaissance du viol dont elle a été victime de la part d'un proche du Premier ministre. Elle alerte sur la complaisance des autorités et de la police à l'égard de ces crimes. L'impunité représente un encouragement à commettre de nouvelles violences.


Mise à jour du 14 juillet 2017
 
Le 5 juillet, la Corée du Sud a rendu publique une vidéo qui pourrait être la première montrant celles que l’on a longtemps appelées par euphémisme « les femmes de réconfort » . Seules des photographies de cet épisode étaient connues jusqu’à aujourd’hui. L’extrait vidéo, qui aurait été tourné par un soldat américain en 1944, a été découvert par des universitaires coréens après deux ans de recherche dans les archives américaines.


Actualisation du 8 janvier 2017


Un moine bouddhiste sud-coréen s'est immolé par le feu afin de protester contre les agissements de la président coréenne; il a qualifié Mme Park de «traître» pour avoir conclu en 2015 un accord avec le Japon en 2015 sur les «femmes de réconfort» (voir ci-dessous)
Nombre de Sud-Coréens voient dans cette question le symbole des abus et violences commis par le Japon durant sa domination coloniale, de 1910 à 1945. Ceux qui sont hostiles à l'accord estiment qu'il ne va pas assez loin et que Tokyo n'assume pas suffisamment ses responsabilités.


Actualisation du 6 janvier 2017 
Nouvelle provocation du gouvernement japonais contre la mémoire des "femmes de réconfort"

Quelques jours après la cérémonie avec Obama à Pearl Harbor, organisées pour les victimes de l’attaque surprise japonaise en 1941, le Premier ministre Shinzo Abe provoque un incident diplomatique en rappelant son ambassadeur en Corée. Il manifeste ainsi son mépris du sort des "femmes de réconfort" . 
Abe prend pour prétexte qu’une statue à la mémoire des esclaves sexuelles de l’armée impériale japonaise a été réinstallée devant le consulat japonais de Busan en Corée du Sud.

Cette réinstallation de la statue est une protestation coréenne qui s’explique par la visite récente de la ministre japonaise de la Défense Tomomi Inada au sanctuaire de Yasukuni à Tokyo où sont honorés, parmi les morts, des criminels de guerre japonais.
Cette ministre, connue pour son négationnisme à l'égard des responsabilités de son pays  et protégée de Shinzo Abe, s’était rendue à Yasukuni à son retour de la cérémonie Pearl Harbour, montrant ainsi que cette cérémonie représentait une démarche formelle et hypocrite.
Le gouvernement Abe estime que la page de la mémoire des crimes de guerre japonais  est  tournée et ne comprend pas pourquoi une nouvelle statue a été érigée à Busan.
Mais comme nous l'avons expliqué, l’accord signée avec la Corée avait été mal perçu par les survivantes, qui n’avaient pas apprécié que le Japon parle, au sujet de la somme, versée d’ « aide » et non de « réparation ». Et la visite de la ministre japonaise de la Défense au sanctuaire Yazukuni a décidé  le gouvernement coréen à autoriser la statue de Busan, qu'elle avait d'abord fait enlever, dans le contexte de la destitution de la présidente corrompue Park Geun-hye .
Ainsi il ne s'agit donc pas de "bisbilles diplomatiques" ainsi que l'explique la presse française, mais bien d'une exigence fondamentale de justice des femmes victimes de tortures terribles dans le cadre de la 2e guerre mondiale. 
Nous renouvelons notre soutien à leur combat.

MEMORIAL 98
 



Mises à jour et actualisations


Actualisation du 9 décembre 2016

Lors des immenses manifestations réclamant le départ de Park Geun-hye, l'accord humiliant signé par cette dernière avec le Japon a été mis en cause.
La déchéance votée par le Parlement contre la présidente va donc conduire à rouvrir ce dossier et, espérons-le, à imposer les revendications des "femmes de réconfort " et de ceux qui les soutiennent.

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Actualisation 27 mai 2016:

A l'occasion de la visite de Barack Obama à Hiroshima:
Le bombardement nucléaire qui a frappé cette ville ainsi que Nagasaki a été une horreur et des excuses seraient bienvenues. De même que des excuses du gouvernement japonais à l'égard des atrocités commises contre les "femmes de réconfort" 

Memorial 98




Actualisation du 30 décembre:
Plusieurs centaines de personnes ont manifesté ce mercredi 30 décembre devant l'ambassade du Japon à Séoul. Elles comptaient dénoncer l'accord conclu entre les gouvernements coréen et japonais et qu'elles considèrent "humiliant".
Parmi les manifestants figuraient plusieurs de ces Sud-Coréennes qui furent les esclaves sexuelles de l'armée impériale  pendant la Seconde Guerre mondiale et qui ont promis de continuer à se battre pour obtenir justice.
L'accord a outré nombre de ces "femmes de réconfort" notamment parce que le Japon n'a pas endossé la responsabilité officielle des atrocités commises par son armée. Tokyo a présenté en outre le versement d'un milliard de yens comme une "aide", et non comme une" réparation formelle"  formelle.

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"Le combat continue", a déclaré Lee Yong-Soo, victime et combattante dont nous avions salué la lutte dès 2007, lors de la manifestation en face de l'ambassade du Japon à Séoul, qui est le théâtre depuis des années de rassemblements hebdomadaires sur ce thème. "Nous continuerons de nous battre pour que le Japon endosse la responsabilité juridique afin de rendre justice aux victimes déjà décédées", a ajouté Mme Lee, 88 ans.
Le rassemblement de mercredi a débuté par un hommage très solennel aux neuf "femmes de réconfort" décédées cette année, avant que les manifestants ne scandent des slogans hostiles au Premier ministre japonais Shinzo Abe. Certains brandissaient des pancartes dénonçant l'engagement pris par Séoul de déplacer la statue symbolisant le combat des "femmes de réconfort" et installée juste en face de l'ambassade. Selon un récent sondage, 66% des Sud-Coréens étaient hostiles au déplacement de la statue qui symbolise ce combat.
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vendredi 25 décembre 2015

Victoire en Argentine: une victime de la dictature retrouvée

Actualisation et mise au point du 26 décembre:
C’était une belle histoire qui a accompagné Noël en Argentine, mais qui s’est finalement révélée fausse.
Maria « Chicha » Mariani, une des fondatrices des Grands-mères de la place de Mai, pensait avoir retrouvé sa petite-fille, enlevée en novembre 1976 sous la dictature. La Fondation Anahi, qu’elle avait créée, avait annoncé, jeudi, qu’une femme de 39 ans avait été identifiée comme étant Clara Anahi, le bébé enlevé, grâce à des analyses génétiques qui prouvaient le lien de parenté « à 99,9 % ».
La justice argentine a démenti ces informations, samedi, et écarté tout lien biologique entre les deux femmes: l’Unité spécialisée dans les cas d’enfants enlevés à leur famille pendant la dictature a annoncé que deux analyses génétiques officielles contredisaient les informations du premier test, réalisé par une clinique privée.
Interrogé par le journal argentin Clarin, Juan Martín Ramos Padilla, proche et biographe de Maria Mariani, a confirmé que la jeune femme n’était pas le 120e enfant identifié après avoir été « volé » pendant la dictature militaire. Il a dit avoir émis des doutes lorsque la jeune femme s’est présentée avec les premières analyses génétiques, demandant une confirmation aux organismes officiels. Maria Mariani n’a pas réagi à ces nouvelles informations.
Rappelons que pendant la dictature argentine, 30 000 opposants au régime ont disparu ou ont été tués par les militaires, selon les associations de défense des droits de l'homme. 500 nourrissons ont aussi été volés à leurs parents, selon les associations. « Les prisonnières enceintes étaient gardées jusqu'à l'accouchement puis leur bébé leur était enlevé. Et parfois les enfants de moins d'un an aussi ont été volés », décrit Analía Argento, journaliste et auteur de différents ouvrages sur cette histoire tragique. Les nourrissons étaient donnés à des proches du régime, qui dissimulaient tout de son origine à l'enfant adopté.
Nous souhaitons que tous ces enfants soient identifiés et puissent retrouver leurs proches.






Une grande et bonne nouvelle, résultat d'une lutte acharnée de tous les instants: après l'avoir cherchée pendant 39 ans Maria « Chicha » Mariani vient de retrouver sa petite-fille (ci-dessus sur la photo), enlevée en novembre 1976 à l’âge de 3 mois par un policier, pendant la dictature militaire argentine qui sévit de 1976 à 1983.
Cet rapt eu lieu juste après l’assassinat de sa mère au cours d’un raid des forces de sécurité à leur domicile à La Plata. 

Memorial 98 lui envoie ses vœux et félicitations ainsi bien sûr qu'à Clara Anahi, qui vient de retrouver sa grand-mère. 

C'est l'occasion aussi de saluer et faire connaître l'extraordinaire combat des "Mères de la place de Mai", organisation fondée en 1977, en pleine dictature. Ces femmes se rassemblaient tous les jeudis après-midi depuis le 30 avril de cette année, en plein centre de la capitale argentine, afin de réclamer des informations sur leurs enfants et petits-enfants "disparus". Les militaires leur ayant ordonné de « circuler » en raison de l’état de siège qu'ils avaient décrété, les mères et grands-mères ont décidé de tourner en rond sur la place sur la place de Mai (Plaza de Mayo) en face du palais présidentiel de la Casa Rosada. Elles marchaient pendant une demi-heure, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, remontant ainsi symboliquement le temps et critiquant l’impunité des militaires responsables des massacres et des tortures.
En signe de protestation, les Mères portaient des foulards blancs (symbolisant les langes en tissu de leurs bébés) pour commémorer la disparition de leurs enfants.
Plusieurs des fondatrices ont été assassinées en décembre 1977 par le colonel Astiz, en même temps que des religieuses françaises engagées à leur côté.
Leur travail avait déjà permis d’identifier 97 des 500 enfants enlevés ou nés en détention durant la période militaire et clandestinement adoptés par les familles des militaires, policiers ou de proches du pouvoir


La lutte contre l'impunité et pour le retour des disparu(e)s constitue un de nos engagements majeurs, dans le cadre du combat contre le négationnisme. De Buenos-Aires à Alger, de Mexico à Santiago du Chili, ce combat se poursuit jusqu' à soit retrouvée la trace de ceux et celles qui ont été enlevé(e)s et qu'en soient punis les responsables.

dimanche 20 décembre 2015

Loi sécurité dans les transports : des pouvoirs dangereux conférés aux entreprises de transports

Obligation de présenter une pièce d'identité en cas de fraude, fouilles des bagages et palpation par les agents de sécurité SNCF et RATP, durcissement du délit de fraude d'habitude, accès aux données des organismes sociaux et administrations publiques par les transporteurs, enquêtes administratives sur les employés des transports... Ces quelques exemples des dispositions de la loi sur la sécurité dans les transports sont extrêmement graves pour les libertés et les droits des salariés et des précaires.

Cette nouvelle loi, proposée à l'origine par le député PS Gilles Savary, a été adoptée à l'unanimité en première lecture à l'Assemblée Nationale le 17 décembre 2015, sans grande publicité.
 Cela vaut le coup de se pencher sur les différentes mesures contenues dans cette loi.

Par où commencer ? Peut-être par la disposition la plus en lien avec l'instauration de l'état d'urgence et le climat sécuritaire et raciste qui va avec, l'enquête administrative sur les agents des entreprises de transports en commun. Les journaux la présentent comme le moyen pour la SNCF et la RATP (et exclusivement pour ces entreprises, en l'état actuel de la loi) de vérifier si leurs agents affectés à des missions sensibles ne font pas l'objet d'une fiche S. Mais la loi est formulée bien différemment : "Le recrutement ou l’affectation du personnel au sein de SNCF, de SNCF Mobilités, de SNCF Réseau ou de la Régie autonome des transports parisiens peut être précédé d’enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des intéressés n’est pas incompatible avec l’accomplissement de leur mission". Ce sont donc bien tous les salariés qui sont concernés, et c'est, de manière très large, le "comportement" des salariés qui est visé... 
Une mesure qui existe de manière systématique pour les salariés de la sécurité dans les aéroports, qui doivent être habilités par la préfecture, et donne le prétexte aux employeurs de licencier à bon compte certains salariés qui revendiquent un peu trop ou n'ont pas la bonne origine...
C'est évidemment à mettre en lien avec les politiques de recrutement nationalistes à la SNCF, que des travailleurs immigrés marocains combattent depuis des décennies ; ou avec le dévoiement de la notion de la laïcité à la RATP. On imagine donc sans peine comment sera utilisée cette disposition envers les salariés, pour refuser une embauche ou un changement de poste, ou pour licencier...
Tout comme l'application des mesures d'assignation à résidence ou de perquisitions duu très anti-démocratique état d'urgence touche des militants des luttes sociales, et a conduit à de nombreuses erreurs dramatiques dont les victimes en paieront les frais des années (soupçons des voisins ou collègues, traumatisme pour soi et ses proches, perte d'emploi, ...), ces dispositions auront des effets dévastateurs, à moins qu'en face, ne soit mené un réel travail pour informer, refuser les discriminations, soutenir ceux qui en seront victimes.

En même temps, de nouveaux pouvoirs seront donnés aux agents de sécurité des entreprises de transports, ainsi ils pourront être dispensés de porter l'uniforme, pourront constater par procès verbal le délit de vente à la sauvette, pourront procéder à une fouille visuelle des bagages, ainsi qu'à des palpations de sécurité. Ils pourront également non seulement faire descendre du véhicule les fraudeurs ou ceux qui refusent l'inspection des bagages ou la palpation, mais aussi leur en interdire l'accès. On imagine sans peine ce que l'application de telles dispositions peut donner concrètement à l'entrée d'une gare ou d'une station de bus d'une zone pauvre, rurale ou urbaine...
Les agents de police municipale sont ajoutés à la liste des personnes habilitées à constater les infractions et contraventions dans les transports.


En parallèle des dispositions renforçant les pouvoirs des agents de sécurité, pour les voyageurs, de nouvelles obligations et de nouveaux délits sont créés : alors qu'il n'existait jusqu'à maintenant aucune obligation en France de posséder une pièce d'identité (même si sa présentation est nécessaire pour un certain nombre de démarches), il devient obligatoire de présenter une pièce d'identité en cas de contrôle des titres de transports et d'absence de titre valable... Y compris pour les mineurs non accompagnés !
Le délit de fraude d'habitude est renforcé, puisque le délit est constitué à partir de 5 amendes non réglées dans l'année, au lieu de 10... Comme nous l'expliquions dans l'article Régionales 2015: Pécresse et la course à l'échalote raciste avec le FN autour de la gratuité des transports, la lutte contre la fraude est doublement coûteuse, par les dispositifs mis en place, et l'échec du recouvrement, puisque les fraudeurs sont très majoritairement pauvres. Peu importe, plutôt qu'une politique tarifaire permettant l'accès des précaires aux transports en commun, c'est encore une fois la solution sécuritaire qui est choisie. Les chargés de recouvrement pourront donc demander aux administrations publiques et aux organismes sociaux les noms, prénoms, date et lieu de naissance et adresse des fraudeurs, et les transmettre à l'autorité judiciaire en cas d'usurpation d'identité.

La seule disposition qui pourrait constituer une avancée, la lutte contre les violences faites aux femmes, fait doucement sourire : un rapport annuel sur le recensement  et les actions de prévention et de lutte contre les violences sexistes dans les transports, et l'inclusion dans la formation relative à la sécurité des biens et des personnes, de la prévention des agressions envers les femmes... Est-ce que cela inclura des actions envers les agressions de femmes voilées, cibles combinées du racisme et du sexisme ?

Encore une fois, au prétexte de "sécurité", des mesures portant atteinte aux droits des salariés et des usagers sont prises, donnant de nouveaux pouvoirs aux employeurs sur leurs salariés, instituant une société où des décisions sont prises en fonction du "comportement" et non plus de faits objectifs avérés, renforçant le contrôle et l'exclusion des précaires.
Mais ce que la loi veut instaurer peut être mis en échec dans la vraie vie, dans les dépôts, les gares et les stations par les actions de solidarité et les réponses collectives qui seront développées.

samedi 12 décembre 2015

Valérie Pécresse: une campagne raciste et hypocrite

 

 

                          Profession de foi du de Pécresse pour le 2e tour.

 

La droite se déchaine littéralement en région Ile-de-France. Au delà de la campagne officielle, on assiste à une vague d'attaques violentes dirigée contre Claude Bartolone. 

Celui-ci, tête de liste du regroupement de la gauche PS- Front de Gauche-Europe Écologie, a osé affirmer que Valérie Pécresse "tient les mêmes propos que le FN" en formulant ainsi: "Avec un discours comme celui-là, c'est Versailles, Neuilly et la race blanche qu'elle défend en creux..." Ces paroles de Bartolone provoquent un grand émoi, y compris au sein d'une partie du PS qui n'assume pas cette polémique. Rappelons qu'il s'agit notamment d'une référence à Nadine Morano, toujours membre du même parti que la candidate et eurodéputée.  


Or Pécresse, qui crie à l'amalgame, a entre-temps largement droitisé et radicalisé sa campagne avant le 2e tour de l'élection. En témoigne sa profession de foi officielle ( ci-dessus), reçue par tous les électeurs et qui représente un concentré de démagogie raciste et d’amalgames, appuyé sur le terme codé de "communautarisme" qui dans le langage FN et alliés désigne la population d'origine musulmane. Dès la dixième ligne de cette profession de foi, on lit ceci, directement repris des idées frontistes: " ... Je défendrai l'autorité et les valeurs républicaines, contre le communautarisme et la radicalisme, les trafics et la corruption. Mr Bartolone n'a pas voté la loi anti burqua. Nous n'avons pas la même idée de la France ni la même conception de la femme"  
Qui insulte et qui diffame? On notera au passage que Nadine Morano réclame une déchéance de nationalité à l'égard de femmes portant la burqua.

En réalité, Pécresse défend bien une certaine idée de la "race blanche", notamment en stigmatisant sciemment les quartiers populaires et la Seine Saint Denis, stigmatisés comme porteurs de   "communautarisme,  radicalisme, trafics". C'est d'ailleurs une constante de sa campagne, comme nous l'avons montré à propos des transports et de l'Aide médicale d’État 

De plus, la pourfendeuse du "communautarisme" pratique elle-même ce type de propagande récupératrice, de manière particulièrement nauséabonde
Elle exploite la fête juive de Hanouca afin de cibler les électeurs juifs en jouant sur l'islamophobie, comme le montrent les éléments de langage et courriers destinés à rabattre le "vote juif" (ci-dessus dans le lien). Elle est aidée dans cette tâche par le très communautariste député LR Meyer Habib. Dans ses documents elle renvoie d'ailleurs dos à dos le FN et la gauche qu'elle rebaptise extrême-gauche en appelant à  "faire barrage au Front national comme à l'extrême gauche."

Son "communautarisme" s'adresse aussi aux courants catholiques  regroupés autour de la "Manif pour tous". Elle les a massivement intégré sur ses listes: six proches de la Manif pour tous y figurent en position éligible 

Enfin Valérie Pécresse se plaint d'être "diffamée" mais elle est une dirigeante du parti LR dont le chef  vient de justifier et légitimer le vote FN http://info-antiraciste.blogspot.fr/2015/12/sarkozy-legitime-nouveau-le-front.html.

La mise en cause de la campagne de V. Pécresse est donc parfaitement légitime. Mais Bartolone doit en tirer les conséquences. Peut-on lutter contre les discriminations et tolérer en même temps que F. Hollande et Valls envisagent de reprendre la politique des déchéances de nationalité, issue des bas-fonds du FN et de la droite radicale, voire du régime de Vichy

Au lendemain des régionales, cette mise en cause du droit du sol et du droit à une double nationalité doit être immédiatement retirée. 
 
Actualisation du 23 janvier 2016:

Le Conseil régional Île-de-France présidé par Valérie Pécresse (Les Républicains) a voté jeudi 21 janvier la suppression de ses aides au transport pour les étrangers en situation irrégulière par souci de "justice et d'équité". Cette mesure, annoncée par Valérie Pécresse durant sa campagne, a été approuvée par le Front national et vivement dénoncée par l'opposition de gauche. La mesure a finalement été adoptée par 131 voix pour et 64 contre. "Je la supprime complètement, ils ne peuvent pas s'offrir une télévision, est-ce que c'est notre rôle de leur offrir une télévision ?", avait-elle lancé dans Le Grand Jury RTL/Le Figaro/LCI du dimanche 10 janvier. Le Front national s'est félicité de la mesure. "Quelle fierté et quel plaisir de voir une des principales propositions du programme du FN" soumise au vote, s'est exclamé Aurélien Legrand, vice-président du groupe.

Memorial 98

  


Actualisation du 15 juin 2016:
Valérie Pécresse a annoncé, mercredi 15 juin, que la région IDF ne subventionnerait plus de char pour la Marche des Fiertés (anciennement Gay-Pride) à Paris.
Elle précise sa décision : "J'ai fait le choix de baisser la participation de la région cette année. Elle s'élèvera ainsi à 25.000 euros contre 30.000 euros l'an dernier car la région ne financera plus le char."
Au lendemain de l'attaque terroriste homophobe et meurtrière à Orlando, c'est un signal lourd de symboles. Valérie Pécresse avait inclus des représentants du mouvement anti-mariage gay sur sa liste lors des dernière régionales. L'une de ces élues, Caroline Carmantrand, avait ensuite été nommée à la tête de la commission famille du conseil régional. Durant la campagne, Valérie Pécresse avait également menacé de couper les subventions des associations "politisées", visant ainsi l'Inter-LGBT,
organisatrice de la marche des Fiertés.

Après Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes,  qui a diminué la subvention de la Maison d'Izieu, mémorial des enfants juifs assassinés par les nazis, il s'agit d'un mauvais coup supplémentaire, à caractère homophobe.




jeudi 10 décembre 2015

Sarkozy légitime à nouveau le Front National









Mise à jour décembre 2017
Sarkozy a poursuivi sa ligne dans l'affaire du burkini qu'il a initiée et manipulée de bout en bout.
Battu à la primaire de la droite, il s'est rangé derrière Fillon. Il a ensuite soutenu la candidature du facho Wauquiez pour la direction de son parti LR.  

Mise à jour 9 juin 2016:

Sarkozy ressort toute la gamme identitaire et anti-laïque et annonce le contenu de sa campagne. 
Alors qu'il n’a pas encore annoncé officiellement sa candidature à la primaire à droite, l'ex-président définit un , « pays chrétien dans sa culture et dans ses mœurs, ... un pays que doivent respecter ceux qui veulent y vivre ».
Nommer le réel. Dire que la France est un pays d’empreinte et de tradition chrétiennes. (…) L’immigration massive et le communautarisme ont créé une prise de conscience du fait qu’il y avait quelque chose qui ne tournait plus rond en France » et si « cela ne gêne pas nos prétendus progressistes, cela gêne le peuple ». Notons que lors de ce discours fondateur du 8 juin près de Lille, Sarkozy n'a pas dit un seul mot sur ses propositions économiques. Cela promet.
Memorial 98 

Actualisation du 17 mai 2016:

Sarkozy soutient le régime de Orban en Hongrie et le gouvernement du PiS en Pologne et leur décerne des brevets de démocratie (voir ci-dessous). Au passage il invente une "pression migratoire extrêmement forte" sur ces deux pays, ce qui représente un mensonge flagrant. Le gouvernement polonais refuse d'admettre le moindre migrant et la Hongrie de Orban poursuit et persécute les réfugiés. Après le soutien à Trump, l’ancien président et futur candidat élargit ses références vers la droite radicale et xénophobe.

" ... On ne peut pas dire qu’il n’y a pas de démocratie en Hongrie. C’est le travers des élites françaises que de vouloir donner des leçons au monde entier. Quant à la Pologne, j’ai vu les frères Kaczynski au pouvoir. Ils ont respecté les règles européennes et, quand ils ont été battus, ils sont partis. Après 50 ans de joug communiste, ces pays sont des démocraties qui fonctionnent. Ils ont aussi à faire face à un problème majeur, parce qu’étant aux frontières de l’Europe, ils subissent une pression migratoire extrêmement forte. La faillite de Schengen pèse d’abord sur eux..."



Actualisation du 19 décembre:
Après que Marine Le Pen ait utilisé les images de Daech dans un but de propagande, Sarkozy maintient-il que le FN n'est pas "immoral" et pas "anti-républicain"? On ne l'a guère entendu à ce sujet, occupé qu'il était à virer les anti-FN de la direction de LR.

Actualisation du 15 décembre: au lendemain des régionales, évince NKM et propulse Wauquiez qui est, à droite, un des pires réactionnaires. Même Estrosi (épinglé ci-dessous) critique la dérive droitière et déclare "Plus on va à droite, plus on fait monter le FN"

Sarkozy se range à nouveau du côté du  vote FN. Le chef des LR reprend sa politique de 2007 et 2012 et en rajoute, à la mesure de la progression d'un vote qu'il a déjà plusieurs fois légitimé par le passé.

Lors du meeting de soutien à la candidate LR à Rochefort le 8 décembre, Sarkozy a ainsi déclaré : « Il y a 7 millions de Français qui ont voté pour le Front national (on notera que Sarkozy ajoute au passage 1 million de votants au FN qui a obtenu en fait seulement 6 millions de voix aux régionales ) ... Je veux leur dire une chose : le vote pour le FN n’est pas un vote contre la République car si c’est un vote contre la République, pourquoi la République autorise-t-elle depuis trente ans des candidats du FN à se présenter ? »
Affirmer que le vote FN « n’est pas contre la République » rappelle une précédente phrase de N. Sarkozy lors de la campagne de 2012, quand il avait déclaré: « Le Pen est compatible avec la République. ». 
Le président LR a ajouté  : « Le vote pour le FN n’est pas immoral car si ce n’est pas moral, pourquoi la République accepte-t-elle depuis trente ans qu’autant de citoyens français fassent ce choix ? »

Au delà de la mauvaise foi de ces arguments dans lesquels Sarkozy prétend parler "au nom de la République" et de la morale, on notera que le chef LR délivre ainsi un certificat de correction politique non pas aux électeurs FN, mais bien aux idées de l'extrême-droite.  

Dans le même meeting il a d'ailleurs aussi décliné les prises de position reprenant les thèmes traditionnels du FN. Et même les accents frontistes. L’immigration ? « Trop, c’est trop !, . On ne pourra pas continuer à accueillir tous ceux qui veulent venir sur le territoire de la République alors que nous n’avons plus d’argent, plus d’emplois, plus de logements… » Et il a conclu sur la défense de la "France de toujours" afin de savoir "si elle "restera la France". Et ce prétendu "Républicain" a terminé ainsi: "Ce débat-là, on ne nous le volera plus, nous allons l'imposer à la République Française",

Cette complaisance à l'égard du FN et de ses idées ne constitue pas une surprise car elle structure la politique de Sarkozy depuis au moins 10 ans et en fait depuis 1998, comme le montrent les exemples précis cités ci-dessous (cliquez sur chacun des exemples appuyés par des références documentées) . Néanmoins, la légitimation explicite du vote d'extrême-droite montre dans quel sens il entend entraîner son parti au lendemain du 2e tour.

Le mélange d’opportunisme, de paternalisme et de complaisance de Sarkozy est particulièrement perceptible dans cet dialogue du 13 juin 2006 face à Villepin, alors premier ministre; Sarkozy s'exprime ainsi:  
« Le Pen ( il s'agissait alors de JMLP) , en ce moment, il engrange. Il engrange un maximum. Moi, je dis jamais du mal des électeurs de Le Pen, jamais. Les électeurs de Le Pen, je dis toujours que c'est des victimes. Des victimes de quoi? J'en sais rien. Mais c'est des victimes. Pour nous, l'élection de 2007 se jouera sur les électeurs de Le Pen. On les prend, on gagne. On les prend pas, on perd...» (in « Les hommes d’Etat » de  Bruno Le Maire, alors ministre de Villepin).

Le rappel des prises de position de l'ancien président trace une des causes majeures de la progression du vote frontiste:

C'est Sarkozy qui s'est prononcé dès 1998 en faveur de la "préférence nationale", cœur de l'idéologie frontiste.

C'est Sarkozy qui a mené deux campagnes présidentielles dominées par les thèmes et les idées du Front National en 2007 et 2012 et qui en prépare une troisième encore plus raciste en 2017 remettant notamment en cause le droit du sol.

C'est Sarkozy qui, au nom du refus de la "repentance", a boycotté des commémorations concernant le rôle de Vichy dans la déportation et l'entrée de résistantEs au Panthéon

C'est Sarkozy qui a créé un ministère de l"Identité nationale" et lancé un "débat" sur ce thème.

C'est Sarkozy qui a stigmatisé les Africains "pas assez entrés dans l'Histoire"  

C'est Sarkozy qui a prononcé en juillet 2010 l'infâme discours de Grenoble, rempli de haine raciste à l'égard des Roms et brandissant la menace de déchéances massives de nationalité. Il est d'ailleurs particulièrement catastrophique et toxique que F. Hollande et Valls envisagent de reprendre cette politique des déchéances de nationalité, issue des bas-fonds du FN et de la droite radicale, voire du régime de Vichy.    

C'est Sarkozy qui a traité les réfugiés de "fuite d'eau" au moment même où des centaines d'entre eux se noyaient dans la Méditerranée

C'est Sarkozy qui s'est porté à la tête d'une campagne mensongère selon laquelle les musulmans menaceraient les Églises françaises 

C'est Hortefeux, proche conseiller de Sarkozy et à la manœuvre ces dernières semaines, qui a prononcé ces paroles immondes à propos des personnes d'origine arabe: "Quand il y a en a un, ça va... C'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes!"

Aucun accord, compromis ou union n'est évidemment possible avec celui qui est directement responsable de la banalisation et de la diffusion des idées d'extrême-droite. Toute concession à son égard n'a pour seul effet que de le renforcer. Il en est de même pour ceux qui ont répercuté et amplifié ses positions les plus détestables, tel Estrosi.


mardi 1 décembre 2015

Shoah: quand les nazis déportaient en Norvège et en Lettonie.






Imaginez la scène: dans le froid intense de cette fin de novembre, un groupe de personnes se retrouve sur un quai du port d'Oslo. Ils semblent abattus et en même temps déterminés. L'un d'entre eux lit une liste de noms puis ils se recueillent et repartent dans la nuit qui est tombée si rapidemment.

Ce groupe commémore ainsi chaque année, le 26 novembre à 16 h, la déportation de 768 Juifs de Norvège, raflés puis expédiés vers l'extermination. Parmi ces personnes, se tient Leif Knutsen. C'est lui qui a initié cette commémoration. Il l'a débutée tout seul en 2009, puis peu à peu d'autres personnes l'ont rejoint.
Depuis, il est présent sur le port d'Oslo chaque 26 novembre dans la nuit et le froid. Il lit avec les autres, à voix haute, le nom des 768 personnes déportées  par les nazis. Peu ou pas de discours dans cette cérémonie sobre.

Dans la nuit du 25 au 26 novembre 1942, la police norvégienne qui s'est mise au service des nazis    procède à une rafle dans les domiciles, les hôpitaux, les camps et emmène vers Oslo 768 Juifs, y compris des  enfants et des malades hospitalisés.
Le nombre total des Juifs de Norvège est  alors de 1800. 
Le lendemain matin, le 26 novembre, un bateau nommé le Donau, chargé de 532 Juifs prisonniers, quitte le port d'Oslo pour Auschwitz, en passant par le port de Stettin en Pologne. Les autres prisonniers seront déportés sur différents bateaux, durant les jours suivants. Parmi les 768 raflés du 26 novembre, seuls 34 survivront.

La police et la milice ont agi sur ordre du gouvernement pro-nazi qui a été mis en place sous la direction du fasciste norvégien Vidkun Quisling (sur la photo ci-dessus avec Hitler). Le nom "Quisling"  est d’ailleurs devenu le symbole de la collaboration avec un occupant. 
Pour les nazis, la Norvège revêtait une importance particulière, car les Norvégiens étaient censés faire partie, comme les Allemands,  d'une "race aryenne". 

70 ans après les faits, la police norvégienne a, en 2012,  présenté des excuses officielles et demandé pardon pour sa participation à cette déportation.
De son côté la résistance norvégienne était venue en aide aux Juifs qui cherchaient à s'enfuir vers la Suède neutre. Neuf cents d'entre eux  parviennent à franchir la frontière. 42 Norvégiens ayant participé aux sauvetages seront plus tard reconnus comme Justes parmi les Nations

Le passé du régime nazi en Norvège devait ressurgir le 22 juillet 2011, quand le terroriste d’extrême-droite Breivik massacra 77 personnes à Oslo et dans l’ile d'Utoya. 
Actualisation du 31 décembre  2016:

Profanation de la Shoah par  la télévision publique de Norvège.

La télévision publique norvégienne NRK a été contrainte de présenter ses excuses pour avoir fait référence aux camps d'extermination nazis et au génocide des Juifs dans un dessin animé "satirique" sur la situation financière des étudiants. 
Il présentait des jeunes personnages pris en charge par une personne plus âgée dans ce qui apparaissait être un camp nazi similaire à Auschwitz-Birkenau. Le groupe arrivant devant un four rempli de cendres avec des restes d'ossements humains, l’un des étudiants demande avec enthousiasme si le four sert à préparer des pizzas.
La vidéo, qui a ouvert le best-of de la plate-forme en ligne Satirik de NRK pour l’année 2016, s’achève avec les mêmes jeunes gens brandissant un contrat de location. La justification de la chaîne de télévision est pire encore : "Cette vidéo animée évoque la situation économique des étudiants, qui est souvent désespérée”, a écrit NRK. « Pour expliquer cela, nous avons utilisé des références visuelles évoquant un camp de concentration. » 

 Perversité, négationnisme, je m'en-foutisme ? Sans doute un mélange de tout cela



Lettonie 
Ce jour là
 Le 30 Novembre 1941, 2 mois avant la conférence de Wansee à Berlin qui marqua une nouvelle impulsion à l'exécution de la Shoah dans toute l'Europe, 10 600 Juifs du ghetto de Riga ( capitale de la Lettonie) furent chassés vers la  forêt voisine de Rumbula, où ils seront fusillés par l'"Einsatzgruppe A" (commando spécial d'exécution) des SS.
Dans l'hôpital du ghetto, situé dans la rue Ludzac, les SS tuèrent une trentaine d'enfants en les précipitant par les fenêtres du deuxième étage.

Actualisation du  30 novembre 2016
Une grande et émouvante cérémonie a eu lieu à l'occasion du  75e anniversaire du massacre de la Forêt de Rumbula, près de Riga.
Le président letton Raimonds Vejonis a évoqué la mémoire des vingt-cinq mille juifs assassinés dans ce bois à partir du 30 novembre 1941. Il a souligné que si cet assassinat de masse avait été organisé par les nazis, des citoyens lettons avaient collaboré à cette horreur. Il a relevé l’ampleur du massacre qui s’est déroulé en à peine deux jours.

Mais surtout, il a avoué que durant des années, ces événements tragiques de l’histoire de la Lettonie ont été laissés sous silence. Durant l’époque soviétique, les communautés juives de Lettonie avaient à peine obtenu de Moscou que soit placée une plaque à la mémoire des « victimes du fascisme ». La même censure s'est exercée en Ukraine sur le lieu du massacre de Babi Yar (voir ici)
Il ne reste aujourd’hui plus que quelques milliers de Juifs en Lettonie.

Ni oubli, ni pardon; la mémoire des crimes du fascisme et  nazisme inspire notre combat, avec le souvenir de toutes les victimes de génocides.

C'est pourquoi Memorial 98 organise à Paris chaque année le 9 novembre la commémoration du pogrom nazi de la Nuit de Cristal qui constitua en 1938 une étape importante vers le génocide des Juifs.

MEMORIAL 98 

Mise à jour 30 novembre 2019
Dossier sur le massacre des Juifs de Liepaja (Lettonie) par le site PHDN

https://phdn.org/histgen/einsatzgruppen-shoah-par-balles/liepaja-skede.html