mercredi 18 mars 2015

Un journal gratuit publie une interview élogieuse sur le commissaire à la monnaie du Reich nazi

Ce n'est pas un fake, c'est bien le site du journal 20Minutes qui publie un article intitulé «Hjalmar Schacht, le banquier d'Adolf Hitler, était un génie»
Il s'agit d'une interview avec l'économiste Jean-François Bouchard, qui " s'est penché sur la vie de Hjalmar Schacht, l'argentier surdoué du Fürher..."


Le travailleur dans l'empire de la croix gammée : affiche du SPD en 1932
Et c'est bien une longue apologie du commissaire du Reich à la monnaie, un nazi qui aurait sauvé l'Allemagne à trois reprises et qui aujourd'hui, ferait des miracles pour nos économies s'il était encore de ce monde. C'est bien un article qui décrit l'Allemagne nazie, comme un paradis économique et social redressé par une politique extraordinaire (à part le détail de la guerre, évidemment).
N'allez pas croire que l'auteur de l'hagiographie consacrée à ce nazi soit lui-même nazi: non, pas du tout, puisque le merveilleux commissaire du 3ème Reich n'était pas nazi lui même, seulement patriote, c'est Hitler qui était nazi.
Cette ligne de réhabilitation du 3ème Reich n'est pas nouvelle: elle a été mise en oeuvre par la défense des nazis dès le procès de Nuremberg. L'intégralité des accusés s'y présentait comme de vertueux patriotes manipulés par Hitler et Goebbels qui étaient déjà morts. Tous les nazis inculpés prétendaient n'avoir fait qu'agir pour le bien de l'Allemagne dans la stricte sphère de leurs compétences évidemment purement techniques.
Mais que cette ligne de défense nazie se retrouve aujourd'hui dans un journal gratuit de diffusion massive en dit long sur l'ambiance actuelle. Surtout à quelques jours d'une élection où l'extrême-droite "dédiabolisée" est annoncée comme la grande gagnante du scrutin.


La défense de la "bonne économie nazie" est la marque de fabrique de nombreux défenseurs de ce régime. Ce fut notamment le cas de Jörg Haider, le fasciste autrichien. Tous ces apologistes passent soigneusement sous silence la masse de travail forcé et de pillage à l'échelle de l'Europe mis en oeuvre par les nazis. Ce pillage s'exerçait à l'égard des Juifs et de tous les pays occuppés. En France la spécificité de la collaboration résidait dans la participation du régime de Vichy et de nombreux patrons à cette spoliation.

En 1933 la part des salaires dans le PIB était de 57%, elle tombe à 51,8% en 1939, ce qui témoigne de l'appauvrissement des travailleurs allemands, privés par la dictature de toute possibilité de défense collective. Contrairement aux idées reçues, la politique de grands travaux civils d'Hitler ne fut pas à l'origine de la baisse du chômage, car elle n'employa que 38 000 personnes. Le chômage baissait depuis 1932 et seule la politique d'armement menée par les nazis a joué un rôle ensuite: depuis longtemps, les historiens ont montré que l'économie du 3ème Reich était une économie dépendante de la guerre, de la spoliation, et de la prédation,et que les orientations économiques du Reich n'avaient de sens que dans la perspective de la guerre. 
Par ailleurs, depuis déjà pas mal d'années, les historiens ont également beaucoup avancé sur ce qui peut être appelée l'économie concentrationnaire, c'est à dire l'exploitation jusqu'à la mort dans les camps omniprésents au fur et à mesure des années sur tout le territoire du Reich. A terme, ce sont des millions et des millions de prisonniers que la SS comptait utiliser comme force de travail et source de profit , pour son propre compte, mais aussi pour celui de l'industrie privée. En clair, il est absolument impossible de dissocier la politique économique nazie de la structure politique nazie, et ce d'autant plus que les objectifs génocidaires , notamment, ont primé sur les intérêts économiques quand les nazis l'ont voulu, ce qui est aussi une caractéristique du régime.

Signalons au passage que sur Wikipedia, l'article consacré à Hjalmar Schacht renvoie dans sa note 3 à un article de la secte antisémite "Solidarité et Progrès " de Jacques Cheminade. Encore une occasion de mesurer la dangerosité de cette prétendue encyclopédie en ligne, qui malheureusement sert de référence à de nombreux devoirs d'élèves et également aussi à celles et ceux qui cherchent à s'informer sans forcément avoir les moyens d'acheter des livres historiques sur le nazisme, pas toujours disponibles dans les bibliothèques publiques.


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